Ce blog, consacré à la problématique bâtiment - ville et énergie, souhaite apporter sur ce vaste sujet quelques éléments de réflexion utiles.

À cette fin, il incorpore de nombreux liens vers des sites et articles qualifiés.

jeudi 8 septembre 2016

Agriculture urbaine



Sapiens, le remarquable livre de Yuval Noah Harari, dans ses chapitres consacrés à la révolution agricole montre comment l’agriculture naissante, en rendant sédentaires les nomades, a donné naissance aux villages puis aux villes.
Aujourd’hui, par une sorte de symétrie, ce sont les villes qui, ici et là, en réponse à des besoins et motivations variés, produisent en leur sein des formes expérimentales ou abouties d’agriculture, urbaine.

Cette agriculture urbaine et périurbaine peut chercher à satisfaire des besoins vitaux (un sujet sur le lequel l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – FAO – attire l’attention depuis longtemps et dont les organoponicos cubains sont un exemple connu) ou, de façon moins pesante, à permettre à l’Homo sapiens qui se cache derrière tout citadin de reconnecter avec un environnement et des pratiques de cueilleur dont son ADN garde la mémoire.         

Dans tous les cas, elle permet de faire un bref tour du monde de quelques approches et expériences. Celui-ci est nécessairement réducteur tant sont nombreuses les initiatives et en forte accélération le nombre de celles-ci.

La mairie de Paris s’est fixé l’objectif de végétaliser cent hectares de façades et de toitures à l’horizon 2020, dont un tiers sera consacré à l’agriculture urbaine. À cette fin, elle a lancé en avril dernier un appel à projets qui s’inscriront sur une grossequarantaine de sites, d’une surface totale de 5,5 ha, mis à disposition par des acteurs publics et privés. Les projets de ces « ParisCulteurs » seront connus à l’automne 2016.
Ils ne défricheront pas un terrain vierge, si l’on ose dire, puisque des expériences préexistent avec succès comme, par exemple, la ferme urbaine de la Recyclerie (18ème arrondissement), 1000 m2 où se côtoient un potager, des poules, des poissons (aquaponie), des abeilles, des vers de terre (lombricompostage) et autres éléments de la biodiversité.

En matière d’aquaponie, la référence est probablement à chercher à Berlin, à Eco Friendly Farm qui produit quelque trente tonnes de poisson (perche) et autant de légumes variés, par an.

Si les toitures plates peuvent être végétalisées en l’état, elles peuvent aussi accueillir des serres qui vont permettre d’étendre la période de culture et d’élargir la palette des plantes cultivées. C’est l’approche retenue par les fermes Lufa, en hydroponie, au Québec.

À New­ York, dans les quartiers du Queens et de Brooklyn, la Brooklyn Grange Farm, ouverte en 2010, exploite 10 000 m2 de toits de bâtiments industriels en agriculture biologique.

À Singapour, où l’espace cultivable est rare, la société Sky Green a développé un système de ferme verticale, efficace et adapté à ces contraintes d’espace. Il ne s’agit plus là d’exploiter, au sens agricole du terme, des faces de bâtiments dédiés à d’autres usages mais d’insérer dans le tissu bâti des ouvrages dont la seule fin est la production intensive de fruits et légumes.

Quelques liens ci-dessous permettent de continuer à se promener au milieu de ces initiatives qui dessinent certains aspects de la ville de demain.


Pour prolonger :
Reportage d’Arte sur l’Eco Friendly Farm.
Vingt-cinq illustrations de végétalisation et de fermes urbaines dans le monde.
Dickson Despommier -- The Vertical Farm
Intervention de Mohamed Hage, fondateur des fermes Lufa, à Montréal
Un cycle saisonnier à la BrooklynGrange Farm
Reportage du magazine Géo : Agriculture urbaine : l'avenir de l'agriculture verticale en 5 questions

samedi 20 août 2016

Bâtiment et nature


Le bâtiment, qui abrite et protège l’homme et ses activités, et la nature, qui l’environne, entretiennent des relations qui s’apparentent à une forme de « je t’aime moi nonplus ».

Historiquement, les premiers logements humains relèvent d’une exploitation opportuniste de structures naturelles favorables. Les cavernes et grottes fournissent des abris bienvenus, dont les entrées peuvent être sécurisées.

Lorsque la nature ne procure rien qui soit prêt à l’emploi et qu’il s’agit alors de se construire un abri, c’est encore à celle-ci que les matériaux constitutifs sont prélevés : des pierres, du bois et autres végétaux, de la terre, des peaux et os d’animaux, voire de la neige, très au Nord.      

Ces constructions, qui peuvent évoquer les cabanes supports de rêverie de notre enfance, lorsqu’elles sont abandonnées, sans entretien, disparaissent plus ou moins rapidement, ravalées qu’elles sont par celle qui leur a fourni la matière première.

Cette « lutte » entre les actions d’extraction, de transformation et de construction opérées par l’homme et une force de rappel vers l’état naturel, agissant par dégradation et sape silencieuse, s’observe ici et là, à diverses échelles.


La terre crue, armée de paille, des kasbahs de l’Atlas requiert un entretien vigilant et, faute de celui-ci, ces magnifiques demeures s’évanouissent. Nombreux sont les temples khmers du site d’Angkor, millénaires, où les pierres et les puissantes racines des arbres tropicaux luttent en adoptant de spectaculaires géométries où l’on se demande qui tient qui.


De façon moins spectaculaire, plus près de nous, les murs, dès lors qu’ils présentent une anfractuosité susceptible de retenir un peu d’humus et d’eau, deviennent le support de mousses, de lichens, de petites fougères et autres plantes qui tentent ainsi de réinvestir le bâtiment et la ville. Il en est ainsi pour le mince espace ouvert entre le trottoir et les pieds de façade où parfois même de jeunes arbres se hasardent à démarrer.


La vigne vierge, le lierre, voire une glycine ont vite fait de recouvrir une bâtisse abandonnée.

Des artistes se sont emparés du sujet comme, par exemple, le photographe Chris Morin-Eitner qui, à travers son exposition « Il était une fois demain », l’illustre de façon spectaculaire.

Aussi, historiquement, afin de se protéger d’éventuels dommages, les végétaux vivants ont-ils été généralement été tenus à l’écart des bâtiments. 
Dans les villes, ils sont concentrés dans des parcs, des jardins et le long des voies. 
Quelques belles terrasses arborées qui font rêver lorsqu’on les regarde depuis la rue et les jardinières accrochées au garde-corps des balcons sont les modes de végétalisation traditionnels et pointillistes des immeubles citadins.

Ces précautions constructives des bâtisseurs doivent aujourd’hui s’adapter à une demande croissante des citadins, toujours plus nombreux (actuellement, un humain sur deux habite en ville), pour une reconnexion plus forte à la nature et ceci à l’échelle du bâtiment. 
À ce besoin, universel et profond, de conserver un contact avec l’environnement dans lequel notre espèce a passé l’essentiel de ses cent cinquante mille ans d’existence (à côté desquels les deux cent ans de révolution industrielle ou les dix mille ans d'agriculture et d'élevage sont quantité faible), s’ajoute le sujet de l’alimentation en ville, de sa qualité et des flux qu’elle induit. 
L’agriculture urbaine, qui se développe partout sur la planète, évitera-t-elle la thrombose qui menace tant de villes qui ont crû plus vite que leurs réseaux de transport ?

En France, le rythme annuel de végétalisation de l’enveloppe des bâtiments est de l’ordre de 1 000 000 m2 en toiture et de 10 000 m2 en mur.

Les apports, variés, de la végétalisation des bâtiments sont l’objet de travaux scientifiques, théoriques et expérimentaux.
Ceux-ci ont principalement trait à :
  • L’hydrologie : gestion des eaux pluviales (ruissellement versus infiltration) et microclimat urbain (évapotranspiration),
  • La qualité des eaux de pluie (rétention de certains polluants, effet de lagunage),
  • La modification des propriétés radiatives et de l'inertie thermique de l'enveloppe du bâtiment,
  • Le stockage de carbone,
  • La pollution sonore (absorption du son par le substrat et diffusion par le feuillage),
  • La biodiversité.
Pour aller plus loin :

Site de l’ADIVET (association française des toitures et façades végétales)

Site du Mur végétal

Thèse de Frédéric Madre « Biodiversité et bâtiments végétalisés : une approche multi-taxons en paysage urbain »

Financé par l’Agence Nationale de la Recherche, le projet VegDUD a étudié le rôle du végétal dans le développement urbain durable 

L’édition de mai-juin 2014, n°629, de la revue de Jardins de France est consacrée à l’enveloppe végétalisée



lundi 7 mars 2016

Le nuage entre dans la maison


Dans le bâtiment, la fonction « clos et couvert » protège des éléments extérieurs ; en quelque sorte, elle barre l’entrée aux nuages. Pour autant un autre nuage, le « cloud » anglais et son cortège d’applications et de big data, est en train d’y entrer massivement, par diverses portes et fenêtres.

Une brève revue, à quelques jours du salon international de l'immobilier, le MIPIM.

Le souhait de connecter des objets (l’Internet des objetsInternet of Things – IOT), pour un opérateur donné, passe le plus souvent par deux analyses successives qui portent sur :
  • L’identification des activités (et des objets qui y sont associés) auxquelles les gens consacrent du temps,
  • La pertinence de connecter ces dits objets pour en faire des plates-formes de distribution de l’offre de l’opérateur en question.

On comprend bien que l’environnement bâti, à toutes ses échelles (de la ville au logement, en passant par le bâtiment), dans lequel les occidentaux passent plus de 90% de leur temps, est un univers tout indiqué pour ce type de réflexion.

Livrons nous à un exercice de zoom progressif, en commençant par la ville pour aller vers le logement.
Tous les grands acteurs de la gestion de l’énergie, des réseaux, des logiciels et des services associés ou les majors du BTP s’appuient sur le rapide développement du numérique, associé au partage et à l'ouverture croissants des données pour se positionner sur le sujet de la ville intelligente/rusée (la smart city), dont le modèle économique reste, pour autant, en grand partie à écrire.

C’est ainsi que, sans aucune prétention à l’exhaustivité, on retrouve dans la liste de ces acteurs, côte à côte et souvent en complémentarité, des opérateurs traditionnels de la ville et de nouveaux entrants : Veolia, Engie, EDF, Vinci, Bouygues, Siemens, Schneider Electric, Cisco, IBM, Google, General Electric et sa plate-forme Predix.

La conception des bâtiments évolue vers un recours accru à la maquette numérique collaborative (BIM) et, là aussi,  les éditeurs classiques de logiciels (calcul, dessin) pourraient trouver face à eux des acteurs de l’Internet. C’est ainsi que l’on peut se demander vers quoi tendra l’évolution d’un logiciel comme SketchUp ?

La conception des bâtiments, pour le moment, est moins concernée par l’Internet des objets.

En revanche, tout ce qui est relatif à la gestion (en particulier sur le plan énergétique) du bâtiment illustre ce qui figure en préambule. S’y retrouve les acteurs classiques de l’énergie, des services énergétiques et de la domotique aux côtés de nouveaux entrants désireux de bâtir des plates-formes pour véhiculer leurs offres.

Nombreux sont les angles d’attaque investigués, à la recherche du point d’entrée qui répondra à un vrai besoin et permettra à l’application–clef d’ouvrir de façon exponentielle ce marché considérable. S’agit-il de faire migrer vers la télévision ou la box l’ensemble des données domotiques,  d’installer des compteurs permettant de faire de l’effacement énergétique diffus, de connaître finement ses consommations pour mieux les réduire, d’améliorer la qualité de l’air intérieur, d’informer sur la météo et la concentration en gaz, de régler la température des pièces, de détecter les intrusions, d’éclairer, d’ouvrir la porte ?

La liste pourrait être prolongée, presque ad libitum.

Il est à noter que si l’opération de numérisation, de création massive de données, partagées, et d’exploitation qui en découle, est essentiellement privée, elle peut également être portée par le secteur public, comme l’illustre l’initiative étatsunienne Green button, qui pourrait faire des émules.

Pour s’assurer que leurs produits / systèmes /services parviennent bien jusqu’au logement, certains acteurs n’hésitent pas à enrichir leur métier premier, par exemple en câblant de fibre optique des villes entières ou encore en construisant des maisons qui servent alors de réceptacle à une offre de produits et services numériques et connectés.

Les métiers de l’industrie immobilière (investissement, financement, promotion, location, vente, achat …) n’échappent bien entendu pas à la vague numérique.
En effet, le poids de cette industrie étant évalué, à l’échelle mondiale, à quelque 2200 G€, celle-ci se montre particulièrement attractive. De plus, le nombre important d’acteurs, le long de la chaîne qui la structure, laisse assez naturellement à penser que de la désintermédiation numérique y est possible.

C’est ainsi que plusieurs plates-formes se positionnent en complément, voire en substitution du rôle tenu par certains acteurs. Elles mettent à disposition l’information, devenue une commodité, et, ce faisant, donnent de la fluidité à des stocks historiquement plutôt rigides. 
C’est ainsi, par exemple, que :
  • Le défi auquel les agences immobilières traditionnelles sont confrontées est bien connu et que celles-ci réagissent, voire créent une place de marché. Les notaires sont également concernés par le sujet de la désintermédiation, ne serait-ce qu’à travers l’essor de la « chaîne de blocs » (« blockchain »), et développent des plates-formes, tout comme les acteurs de la gestion locative.
  • Le financement participatif prend des formes variées, ceci tant pour les emprunteurs que pour les investisseurs. Les géants de la promotion immobilière suivent de près ces évolutions, par exemple en créant des fonds d’investissement dans des start-up afférentes.
  • L’innovation apportée par Airbnb dans l’hébergement (lequel donne d’ailleurs naissance à des « hybrides » entre son modèle et l’hôtellerie/conciergerie traditionnelle) trouve des équivalents dans la location de bureaux, de boutiquesde centres commerciauxd’espaces, de places de stationnement.
  • La vie sociale locale, et tout son potentiel d’économie du partage, s’enrichit grâce au développement d’applications, comme celle-ci qui porte sur une meilleure connaissance de son voisinage.
  • D’une manière générale, l’ouverture progressive des données disponibles fournit des informations utiles à la prise de décision. Ainsi a-t-on accès à la carte des rues bruyantes de Paris ou à la distribution spatiale des crimes à New York.

Nul doute que le prochain salon du MIPIM, qui l’an dernier avait déjà consacré une série de conférences au sujet, nous présentera de nouvelles perspectives sur la transition numérique au sein des secteurs de la construction et de l’immobilier.

Pour aller plus loin :












lundi 30 novembre 2015

« Disruption » numérique et bâtiment

Photo TBB

À l’instar de la quasi-totalité des secteurs d’activité, celui de la construction, et en particulier son volet bâtiment, sera (est déjà) soumis à des évolutions profondes de son modèle économique, induites par l’essor du numérique.

La dimension matérielle de l’activité (le « brick and mortar » des Anglais) la protège sans doute des « révolutions » auxquelles sont soumis certains services (hôtellerie ou taxis, pour citer des exemples largement documentés). 
Pour autant, les lignes bougent d’ores et déjà, engendrant opportunités, appétit et craintes.

Bien malin qui peut dire aujourd’hui quelles seront les plus significatives parmi ces « disruptions ». 
Cependant, en croisant les déterminants qui structurent ce secteur avec la typologie des innovations proposées aux divers concours et compétitions et en observant les acteurs, dont nombre de nouveaux entrants (éditeurs de logiciels, analystes du big data, spécialistes des services en ligne), qui tournent autour de ce marché (~125 G€ /an en France), à la recherche du bon angle d’attaque, on peut tenter un petit exercice de préfiguration. 

Le numérique recompose la chaîne de valeur et modifie le poids économique relatif des acteurs traditionnels. 
Le schéma de cette recomposition est stable d’un secteur d’activité à l’autre, construction comprise.
Il s’opère en deux temps, en commençant par le développement d’un logiciel, qui peut prendre la forme d’une application pour tablette ou smartphone. 
Celui-ci, porté le plus souvent par un nouvel entrant, s’insère dans la chaîne de valeur et en améliore la fluidité, la fiabilité, la transparence ; il facilite la vie des utilisateurs et clients … tout en produisant des masses de données, profilées et exploitables (le « big data », perçu comme le nouvel or noir, avec sa ruée associée). 
Puis, l’exploitation de celles-ci permet au nouvel acteur de capter une part croissante de la valeur, en modifiant, à son profit, la distribution préexistante de celle-ci.

Connaître et mesurer pour agir

Établir un point de départ (en matière de géométrie, de nature des constituants, de performances …) est un préalable à tout diagnostic, lequel peut être suivi d’une préconisation de travaux puis d’un suivi de la bonne atteinte des améliorations visées par ceux-ci.  

Selon les cas, ces données peuvent être acquises par des scanners 3D, de la photographie, de la thermographie infrarouge, de la décomposition par postes de la consommation énergétique (en général connue uniquement sous forme agrégée).

Elles vont ensuite alimenter les outils de la maquette numérique (cf la Directive européenne 2014/24) ou des logiciels de calcul thermique, d’analyse de cycle de vie mais aussi de calepinage et, derrière, de commande numérique d’outils industriels, voire d’imprimantes 3D de « fab lab ».  

Puissance du détenteur de données

On comprend aisément l’intérêt que l’opérateur de tels dispositifs, en général connectés, peut tirer de la banque de données qu’il se crée ainsi, au fur et à mesure, chez lui ou dans le « cloud ».

Prenons l’exemple d’une société qui, à l’aide capteurs connectés, permet à l’occupant d’un logement/bâtiment de connaître, par grands postes, sa consommation d’électricité.

Ce diagnostic individuel est précieux car il permet d’identifier où et comment faire économies.

Cependant, au-delà de cette première utilisation, on peut imaginer une série de services enrichis qui s’appuient sur l’exploitation de l’ensemble de la base de données (dont ce diagnostic individuel n’est qu’un élément) pour, par exemple :
  • Comparer les performances dudit logement/bâtiment à celles d’une cohorte d’espaces bâtis similaires (typologie, âge, climat, usage …),
  • Lister, pour cette cohorte, ce qu’ont été les mesures de maîtrise de la demande d’électricités suivies ou les travaux d’amélioration réalisés (à l’instar de ce qui se passe dans une librairie en ligne qui signale à l’acheteur d’un livre quels autres achats les acquéreurs du même ouvrage ont effectués),
  • Proposer une liste de prestataires susceptibles de réaliser des travaux d’amélioration de la performance dudit logement/bâtiment, regroupés, après sélection, sur une plate-forme pilotée par la société en question. Une telle plate-forme garantira au client un suivi et une maîtrise des coûts et délais.

Ce n’est là qu’un exemple, qui n’a rien de virtuel et qui permet d’illustrer comment les entreprises, éventuellement des « pure players » du numérique, peuvent se servir des données massives (big data) pour produire de nouveaux services et les vendre, soit auprès de leurs clients naturels, soit à d’autres entreprises de la filière.


La philosophie d’une des vingt-et-une start-up ambassadrices de la French Tech à la COP21, Intent Technologies, est : Transformez vos bâtiments en plateforme de services.

lundi 9 novembre 2015

Quelques innovations, vues sur le salon Batimat 2015


Le concours de l’innovation du salon bisannuel Batimat (dont l’édition 2015 s’est achevée le 6 novembre dernier) est une occasion de voir se dessiner des tendances dans l’évolution du marché de la construction. L’avenir dira si celles-ci se confirment ou, inversement, s’apparentent davantage à un phénomène de mode.  

Les exigences essentielles ou de base (à savoir : Résistance mécanique et stabilité - Sécurité en cas d'incendie - Hygiène, santé et environnement - Sécurité d'utilisation - Protection contre le bruit - Économie d'énergie et isolation thermique - Usage durable des ressources naturelles) sont globalement peu mises en avant par les candidats aux prix, tant il est acquis que la satisfaction de celles-ci constitue un prérequis. Celle qui ressort néanmoins le plus dans les revendications explicites est, sans surprise, liée aux économies d’énergie.

À côté de cela, plusieurs axes structurent de façon récurrente le discours des sociétés innovantes. Parmi ceux-ci, citons :

  • La simplicité et la facilité d’utilisation qui visent à ce que le produit, le système, l’équipement retrouve, une fois mis en œuvre, ses performances intrinsèques. Associée à cet objectif de simplification s’ajoute souvent la quête de réduction de la pénibilité. Qu’il s’agisse de composants d’ouvrage, d’équipements, de logiciels ou d’applications mobiles, le maître-mot, importé, est le « plug and play », voire le « do it yourself ».
  • La dimension esthétique s’affirme à plusieurs niveaux, en neuf comme en transformation de l’existant. Panneaux en béton translucide, fenêtres horizontales pour toitures terrasses, peintures hydrophobes, profilés métalliques au plus fin pour fenêtres et cloisons mais aussi armoires de stockage de l’électricité ou thermostats dessinés par un grand designer.
  • Le sujet des économies d’énergie (et donc des économies tout court) est également central. Il se traduit par des équipements toujours plus performants, des kits ENR + stockage à la mise en œuvre simplifiée ainsi que toute une série d’outils qui, partant du constat qu’on ne peut faire d’économie que si l’on connaît sa consommation avec un niveau suffisant de détail, proposent des mesures affinées, par postes.
  • Enfin, avec un hall qui lui était presque entièrement dédié, la problématique « numérique et bâtiment » a le vent en poupe. BIM, Big Data, objets connectés : la transition est en marche et les acteurs prennent des positions. On voit, par exemple, des thermostats qui intègrent progressivement vos habitudes et prennent la main sur le pilotage des installations, des applications gratuites qui permettent de faire un bilan énergétique du logement puis débouchent sur des préconisations de travaux proposées par le développeur, des scanners 3D ou des caméras thermiques qui alimentent une maquette virtuelle. En creux de tout ceci et après l’irruption d’applications numériques qui ont spectaculairement transformé les secteurs de l’hôtellerie ou du transport automobile de clients (et bien d’autres encore), après des élargissements du spectre d’activité tout aussi spectaculaires (géant du web achetant une société qui fabrique des thermostats connectés, fabricant de voitures électriques qui développe une activité dans le stockage de l’électricité produite par les couvertures photovoltaïques de bâtiments), la question qui se pose est de savoir si certaines composantes du secteur de la construction sont susceptibles d’être ainsi bouleversées par ce qu’il est convenu d’appeler la disruption numérique. Un sujet qui stimule bien des esprits.    

À noter enfin que, bien qu’elle constitue un enjeu conséquent, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur n’est guère mentionnée dans les prix et nominations de l’année. À voir en 2017 ? 

vendredi 25 septembre 2015

La surélévation de bâtiments à Paris

Selon le proverbe chinois, la façade d’une maison n’appartient pas à son propriétaire mais à celui qui la regarde.
Cette constatation, frappée au coin du bon sens, est une belle invitation à la promenade architecturale.

Lorsque l’on se livre à cet exercice, ô combien sympathique, il peut être plaisant de l’organiser autour d’un thème.  On peut, par exemple, se concentrer sur le traitement des caryatides au cours des âges ou bien sur la statuaire animalière ou florale hébergée par les façades et frontons ou encore, et c’est le sujet évoqué ici, sur les extensions verticales de bâtiments, plus souvent appelées, avec un léger abus de langage, surélévations.

Qu’elle soit motivée par des raisons programmatiques, esthétiques ou économiques, la surélévation de bâtiments est courante à Paris, depuis le dix-huitème siècle, avec néanmoins une moindre occurrence dans la seconde moitié du vingtième siècle.
Le sujet reprend de l’actualité aujourd’hui, compte tenu de la concomitance d’un besoin de logement et d’un déficit de foncier. C’est ainsi que la facilitation des extensions verticales fait partie des objectifs poursuivis par l’ordonnance d’octobre 2013, relative au logement.

L'extension, sur un ou plusieurs niveaux (en fonction du programme et de la capacité portante résiduelle de l'immeuble sous-jacent), est aujourd’hui le plus souvent préfabriquée, composée de modules bi- ou tridimensionnels. En effet, le développement du recours au numérique, à toute les étapes du projet, facilite l’industrialisation d’une construction « sur-mesure », imposée par la nature même de l’exercice. Cette approche efficace permet de réduire la durée du chantier et donc les impacts associés, sur le voisinage et la circulation (cf le projet Lign2Toit, financé partiellement par l’ADEME).

Outre la création de mètres carrés supplémentaires dans des lieux où le foncier disponible est rare, l’extension peut être accompagnée de bénéfices complémentaires :
  • Elle permet de de reprendre l’isolation et l’étanchéité du dernier niveau existant,
  • Sa couverture peut être équipée de panneaux solaires (thermiques ou photovoltaïques), ces derniers pouvant être complétés par un dispositif de stockage de l'électricité produite,
  • Elle peut être l’occasion de repenser la gestion des eaux pluviales, en poursuivant deux objectifs qui ne s’excluent pas :
    • Utiliser cette eau dans un réseau dédié, non potable, afin de réserver l’eau du réseau de ville, de haute qualité, aux usages qui le méritent,
    • Stocker temporairement l'eau de pluie sur une partie du toit de l’extension, qui serait alors végétalisée, afin de contribuer à réduire le ruissellement et l'effet d'îlot de chaleur urbain (par évapotranspiration).
  • Enfin, et cela n’est pas l’intérêt le moindre, l’extension de l'immeuble fournit une bonne occasion d’améliorer la performance énergétique du bâtiment existant par rénovation de son enveloppe, opération qui sera alors financée, en tout ou en partie, par la valorisation des mètres carrés créés par la surélévation.

Ci-dessous quelques photographies (de l’auteur) prises dans le centre-est parisien qui, souhaitons-le, donneront à quelques-un(e)s le désir de bâtir leur propre parcours sur ce thème.

On y voit un spectre large de positionnement architectural : certaines surélévations, discrètes, cherchent à se fondre dans l’existant et à passer inaperçues quand d’autres manifestent un contraste fort avec l’existant et signent de façon visible la construction de la ville sur la ville.


 5, avenue de la République


17, boulevard Saint-Martin


18, boulevard Poissonnière


18, boulevard Poissonnière


 22, avenue de l’Opéra


 25, rue du Faubourg Saint-Martin


 50, rue René Boulanger


 111, boulevard Sébastopol


123, boulevard Sébastopol


 137, boulevard Sébastopol




Pour aller plus loin sur le sujet de la surélévation des bâtiments :

APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) – Rapport sur L’incidence de la loi ALUR sur l’évolution du bâti parisien.

Rapport du Plan bâtiment Durable sur les Financements innovants de l’efficacité énergétique

Rapport de l’ADFA (Association du Développement du Foncier Aérien) sur comment Lever les freins à la conquête du foncier aérien    

Les revues d’architecture traitent régulièrement su sujet. C’est en particulier le cas pour celles des Éditions À Vivre.

La transformation de l’entrepôt Macdonald, sis sur le boulevard du même nom, s’inscrit dans le vaste programme municipal appelé Paris Nord-Est. Cet entrepôt, le plus grand de Paris (617 m de long), construit en 1970 par l'architecte Marcel Forest est, depuis 2012, l'objet d'une reconversion incorporant de nombreuses surélévations. En effet, plutôt que de le détruire, il a été décidé d'en faire le "bâtiment-socle" d'un ambitieux projet de reconquête urbaine avec équipements publics, bureaux, commerces et logements. Ces surélévations sont facilitées du fait qu’elles ont été anticipées, dès la construction de l’entrepôt, par le surdimensionnement des structures porteuses.

Des colloques et conférences « Toit sur toit », de grande qualité, sont périodiquement organisés.