Ce blog, consacré à la problématique bâtiment - ville et énergie, souhaite apporter sur ce vaste sujet quelques éléments de réflexion utiles.

À cette fin, il incorpore de nombreux liens vers des sites et articles qualifiés.

lundi 30 novembre 2015

« Disruption » numérique et bâtiment

Photo TBB

À l’instar de la quasi-totalité des secteurs d’activité, celui de la construction, et en particulier son volet bâtiment, sera (est déjà) soumis à des évolutions profondes de son modèle économique, induites par l’essor du numérique.

La dimension matérielle de l’activité (le « brick and mortar » des Anglais) la protège sans doute des « révolutions » auxquelles sont soumis certains services (hôtellerie ou taxis, pour citer des exemples largement documentés). 
Pour autant, les lignes bougent d’ores et déjà, engendrant opportunités, appétit et craintes.

Bien malin qui peut dire aujourd’hui quelles seront les plus significatives parmi ces « disruptions ». 
Cependant, en croisant les déterminants qui structurent ce secteur avec la typologie des innovations proposées aux divers concours et compétitions et en observant les acteurs, dont nombre de nouveaux entrants (éditeurs de logiciels, analystes du big data, spécialistes des services en ligne), qui tournent autour de ce marché (~125 G€ /an en France), à la recherche du bon angle d’attaque, on peut tenter un petit exercice de préfiguration. 

Le numérique recompose la chaîne de valeur et modifie le poids économique relatif des acteurs traditionnels. 
Le schéma de cette recomposition est stable d’un secteur d’activité à l’autre, construction comprise.
Il s’opère en deux temps, en commençant par le développement d’un logiciel, qui peut prendre la forme d’une application pour tablette ou smartphone. 
Celui-ci, porté le plus souvent par un nouvel entrant, s’insère dans la chaîne de valeur et en améliore la fluidité, la fiabilité, la transparence ; il facilite la vie des utilisateurs et clients … tout en produisant des masses de données, profilées et exploitables (le « big data », perçu comme le nouvel or noir, avec sa ruée associée). 
Puis, l’exploitation de celles-ci permet au nouvel acteur de capter une part croissante de la valeur, en modifiant, à son profit, la distribution préexistante de celle-ci.

Connaître et mesurer pour agir

Établir un point de départ (en matière de géométrie, de nature des constituants, de performances …) est un préalable à tout diagnostic, lequel peut être suivi d’une préconisation de travaux puis d’un suivi de la bonne atteinte des améliorations visées par ceux-ci.  

Selon les cas, ces données peuvent être acquises par des scanners 3D, de la photographie, de la thermographie infrarouge, de la décomposition par postes de la consommation énergétique (en général connue uniquement sous forme agrégée).

Elles vont ensuite alimenter les outils de la maquette numérique (cf la Directive européenne 2014/24) ou des logiciels de calcul thermique, d’analyse de cycle de vie mais aussi de calepinage et, derrière, de commande numérique d’outils industriels, voire d’imprimantes 3D de « fab lab ».  

Puissance du détenteur de données

On comprend aisément l’intérêt que l’opérateur de tels dispositifs, en général connectés, peut tirer de la banque de données qu’il se crée ainsi, au fur et à mesure, chez lui ou dans le « cloud ».

Prenons l’exemple d’une société qui, à l’aide capteurs connectés, permet à l’occupant d’un logement/bâtiment de connaître, par grands postes, sa consommation d’électricité.

Ce diagnostic individuel est précieux car il permet d’identifier où et comment faire économies.

Cependant, au-delà de cette première utilisation, on peut imaginer une série de services enrichis qui s’appuient sur l’exploitation de l’ensemble de la base de données (dont ce diagnostic individuel n’est qu’un élément) pour, par exemple :
  • Comparer les performances dudit logement/bâtiment à celles d’une cohorte d’espaces bâtis similaires (typologie, âge, climat, usage …),
  • Lister, pour cette cohorte, ce qu’ont été les mesures de maîtrise de la demande d’électricités suivies ou les travaux d’amélioration réalisés (à l’instar de ce qui se passe dans une librairie en ligne qui signale à l’acheteur d’un livre quels autres achats les acquéreurs du même ouvrage ont effectués),
  • Proposer une liste de prestataires susceptibles de réaliser des travaux d’amélioration de la performance dudit logement/bâtiment, regroupés, après sélection, sur une plate-forme pilotée par la société en question. Une telle plate-forme garantira au client un suivi et une maîtrise des coûts et délais.

Ce n’est là qu’un exemple, qui n’a rien de virtuel et qui permet d’illustrer comment les entreprises, éventuellement des « pure players » du numérique, peuvent se servir des données massives (big data) pour produire de nouveaux services et les vendre, soit auprès de leurs clients naturels, soit à d’autres entreprises de la filière.


La philosophie d’une des vingt-et-une start-up ambassadrices de la French Tech à la COP21, Intent Technologies, est : Transformez vos bâtiments en plateforme de services.

lundi 9 novembre 2015

Quelques innovations, vues sur le salon Batimat 2015


Le concours de l’innovation du salon bisannuel Batimat (dont l’édition 2015 s’est achevée le 6 novembre dernier) est une occasion de voir se dessiner des tendances dans l’évolution du marché de la construction. L’avenir dira si celles-ci se confirment ou, inversement, s’apparentent davantage à un phénomène de mode.  

Les exigences essentielles ou de base (à savoir : Résistance mécanique et stabilité - Sécurité en cas d'incendie - Hygiène, santé et environnement - Sécurité d'utilisation - Protection contre le bruit - Économie d'énergie et isolation thermique - Usage durable des ressources naturelles) sont globalement peu mises en avant par les candidats aux prix, tant il est acquis que la satisfaction de celles-ci constitue un prérequis. Celle qui ressort néanmoins le plus dans les revendications explicites est, sans surprise, liée aux économies d’énergie.

À côté de cela, plusieurs axes structurent de façon récurrente le discours des sociétés innovantes. Parmi ceux-ci, citons :

  • La simplicité et la facilité d’utilisation qui visent à ce que le produit, le système, l’équipement retrouve, une fois mis en œuvre, ses performances intrinsèques. Associée à cet objectif de simplification s’ajoute souvent la quête de réduction de la pénibilité. Qu’il s’agisse de composants d’ouvrage, d’équipements, de logiciels ou d’applications mobiles, le maître-mot, importé, est le « plug and play », voire le « do it yourself ».
  • La dimension esthétique s’affirme à plusieurs niveaux, en neuf comme en transformation de l’existant. Panneaux en béton translucide, fenêtres horizontales pour toitures terrasses, peintures hydrophobes, profilés métalliques au plus fin pour fenêtres et cloisons mais aussi armoires de stockage de l’électricité ou thermostats dessinés par un grand designer.
  • Le sujet des économies d’énergie (et donc des économies tout court) est également central. Il se traduit par des équipements toujours plus performants, des kits ENR + stockage à la mise en œuvre simplifiée ainsi que toute une série d’outils qui, partant du constat qu’on ne peut faire d’économie que si l’on connaît sa consommation avec un niveau suffisant de détail, proposent des mesures affinées, par postes.
  • Enfin, avec un hall qui lui était presque entièrement dédié, la problématique « numérique et bâtiment » a le vent en poupe. BIM, Big Data, objets connectés : la transition est en marche et les acteurs prennent des positions. On voit, par exemple, des thermostats qui intègrent progressivement vos habitudes et prennent la main sur le pilotage des installations, des applications gratuites qui permettent de faire un bilan énergétique du logement puis débouchent sur des préconisations de travaux proposées par le développeur, des scanners 3D ou des caméras thermiques qui alimentent une maquette virtuelle. En creux de tout ceci et après l’irruption d’applications numériques qui ont spectaculairement transformé les secteurs de l’hôtellerie ou du transport automobile de clients (et bien d’autres encore), après des élargissements du spectre d’activité tout aussi spectaculaires (géant du web achetant une société qui fabrique des thermostats connectés, fabricant de voitures électriques qui développe une activité dans le stockage de l’électricité produite par les couvertures photovoltaïques de bâtiments), la question qui se pose est de savoir si certaines composantes du secteur de la construction sont susceptibles d’être ainsi bouleversées par ce qu’il est convenu d’appeler la disruption numérique. Un sujet qui stimule bien des esprits.    

À noter enfin que, bien qu’elle constitue un enjeu conséquent, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur n’est guère mentionnée dans les prix et nominations de l’année. À voir en 2017 ? 

vendredi 25 septembre 2015

La surélévation de bâtiments à Paris

Selon le proverbe chinois, la façade d’une maison n’appartient pas à son propriétaire mais à celui qui la regarde.
Cette constatation, frappée au coin du bon sens, est une belle invitation à la promenade architecturale.

Lorsque l’on se livre à cet exercice, ô combien sympathique, il peut être plaisant de l’organiser autour d’un thème.  On peut, par exemple, se concentrer sur le traitement des caryatides au cours des âges ou bien sur la statuaire animalière ou florale hébergée par les façades et frontons ou encore, et c’est le sujet évoqué ici, sur les extensions verticales de bâtiments, plus souvent appelées, avec un léger abus de langage, surélévations.

Qu’elle soit motivée par des raisons programmatiques, esthétiques ou économiques, la surélévation de bâtiments est courante à Paris, depuis le dix-huitème siècle, avec néanmoins une moindre occurrence dans la seconde moitié du vingtième siècle.
Le sujet reprend de l’actualité aujourd’hui, compte tenu de la concomitance d’un besoin de logement et d’un déficit de foncier. C’est ainsi que la facilitation des extensions verticales fait partie des objectifs poursuivis par l’ordonnance d’octobre 2013, relative au logement.

L'extension, sur un ou plusieurs niveaux (en fonction du programme et de la capacité portante résiduelle de l'immeuble sous-jacent), est aujourd’hui le plus souvent préfabriquée, composée de modules bi- ou tridimensionnels. En effet, le développement du recours au numérique, à toute les étapes du projet, facilite l’industrialisation d’une construction « sur-mesure », imposée par la nature même de l’exercice. Cette approche efficace permet de réduire la durée du chantier et donc les impacts associés, sur le voisinage et la circulation (cf le projet Lign2Toit, financé partiellement par l’ADEME).

Outre la création de mètres carrés supplémentaires dans des lieux où le foncier disponible est rare, l’extension peut être accompagnée de bénéfices complémentaires :
  • Elle permet de de reprendre l’isolation et l’étanchéité du dernier niveau existant,
  • Sa couverture peut être équipée de panneaux solaires (thermiques ou photovoltaïques), ces derniers pouvant être complétés par un dispositif de stockage de l'électricité produite,
  • Elle peut être l’occasion de repenser la gestion des eaux pluviales, en poursuivant deux objectifs qui ne s’excluent pas :
    • Utiliser cette eau dans un réseau dédié, non potable, afin de réserver l’eau du réseau de ville, de haute qualité, aux usages qui le méritent,
    • Stocker temporairement l'eau de pluie sur une partie du toit de l’extension, qui serait alors végétalisée, afin de contribuer à réduire le ruissellement et l'effet d'îlot de chaleur urbain (par évapotranspiration).
  • Enfin, et cela n’est pas l’intérêt le moindre, l’extension de l'immeuble fournit une bonne occasion d’améliorer la performance énergétique du bâtiment existant par rénovation de son enveloppe, opération qui sera alors financée, en tout ou en partie, par la valorisation des mètres carrés créés par la surélévation.

Ci-dessous quelques photographies (de l’auteur) prises dans le centre-est parisien qui, souhaitons-le, donneront à quelques-un(e)s le désir de bâtir leur propre parcours sur ce thème.

On y voit un spectre large de positionnement architectural : certaines surélévations, discrètes, cherchent à se fondre dans l’existant et à passer inaperçues quand d’autres manifestent un contraste fort avec l’existant et signent de façon visible la construction de la ville sur la ville.


 5, avenue de la République


17, boulevard Saint-Martin


18, boulevard Poissonnière


18, boulevard Poissonnière


 22, avenue de l’Opéra


 25, rue du Faubourg Saint-Martin


 50, rue René Boulanger


 111, boulevard Sébastopol


123, boulevard Sébastopol


 137, boulevard Sébastopol




Pour aller plus loin sur le sujet de la surélévation des bâtiments :

APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) – Rapport sur L’incidence de la loi ALUR sur l’évolution du bâti parisien.

Rapport du Plan bâtiment Durable sur les Financements innovants de l’efficacité énergétique

Rapport de l’ADFA (Association du Développement du Foncier Aérien) sur comment Lever les freins à la conquête du foncier aérien    

Les revues d’architecture traitent régulièrement su sujet. C’est en particulier le cas pour celles des Éditions À Vivre.

La transformation de l’entrepôt Macdonald, sis sur le boulevard du même nom, s’inscrit dans le vaste programme municipal appelé Paris Nord-Est. Cet entrepôt, le plus grand de Paris (617 m de long), construit en 1970 par l'architecte Marcel Forest est, depuis 2012, l'objet d'une reconversion incorporant de nombreuses surélévations. En effet, plutôt que de le détruire, il a été décidé d'en faire le "bâtiment-socle" d'un ambitieux projet de reconquête urbaine avec équipements publics, bureaux, commerces et logements. Ces surélévations sont facilitées du fait qu’elles ont été anticipées, dès la construction de l’entrepôt, par le surdimensionnement des structures porteuses.

Des colloques et conférences « Toit sur toit », de grande qualité, sont périodiquement organisés.

mercredi 16 septembre 2015

Bio-mimétisme et construction

Photographie TBB

Il est loisible de constater que l’innovation dans le domaine de la construction procède souvent d’une forme d’hybridation entre des technologies récentes et un savoir-faire vernaculaire, parfois retrouvé.

Il arrive que cette tradition dans l’acte de construire, empilement de strates bâties par un va-et-vient entre l‘observation et l’expérimentation, s’inspire de ce qui environne l’homme, à savoir la nature.

Le cas du centre commercial Eastgate, construit par l’architecte Michael Pearce à Harare (Zimbabwe) et dont le traitement de l’air s’inspire du fonctionnement thermique et aéraulique des termitières, est bien connu.

Comprendre comment certaines structures et fonctions s’organisent et sont mises en œuvre dans la sphère du vivant et en faire une source d’inspiration pour les activités humaines relève du bio-mimétisme.

En sus des talents d’architectes et de climaticiens des blattoptères évoqués plus haut, le secteur de la construction est un lieu d’expérimentation et de déploiement de cette démarche, laquelle est en général vertueuse, tant en matière de consommation de ressources que d’énergie.

Citons quelques exemples.

Dans le monde animal, l’embranchement des arthropodes est une source féconde d’inspiration pour la conception des bâtiments et des produits qu’ils incorporent.

Leur squelette externe qui permet de séparer la structure porteuse de l’espace intérieur qui est occupé par les fonctions vitales trouve son équivalent dans les systèmes constructifs à ossatures.

Les insectes, déjà mentionnés avec les termites, sont aussi représentés par l’ordre des lépidoptères :
  • Les yeux des papillons de nuit ne reflètent pas la lumière, ce qui leur évite d’être repérés par leurs prédateurs, dont les chauves-souris. Analysant le phénomène, l’université d’Irvine, en Californie, a développé un revêtement antireflet, fort utile, par exemple, pour éviter les éblouissements induits par les panneaux photovoltaïques (dont l’installation va être tirée par l’évolution vers le BEPOS – bâtiment à énergie positive).        
  • La couleur des ailes des papillons n’est que partiellement due à des pigments. S’y ajoutent les irisations induites par la structure des écailles et leur jeu avec la lumière. C’est un champ d’investigation pour les revêtements nanostructurés qui trouveront un marché avec l’enveloppe du bâtiment.


Chez les arachnides, les araignées produisent, à température ambiante et pression atmosphérique, une soie dont la résistance à la traction est de de l’ordre de 1000 Mpa (largement supérieure à celle des aciers ordinaires). Cette soie est recyclable et recyclée, il n’est que de voir une épeire avalant sa toile endommagée afin d’en tisser une nouvelle (article intéressant du CNRS sur le sujet).

Dans le même esprit et pour rester chez les animaux invertébrés, les scientifiques s’intéressent de près à certaines éponges de mer capables de produire du silicium et d’en construire leur squelette composé de fibres vitreuses. Outre l’intérêt suscité dans les industries de la fibre optique et des cellules photovoltaïques, on prête à leur structure, rigide et solide, d’avoir inspiré un certain nombre de tours bien connues des « skylines » mondiales.

Les moules s’accrochent solidement à leur rocher. En comprendre le mécanisme a permis de développer des colles, à froid, résistant à l’eau.

Enfin, passons du règne animal à son voisin, végétal, pour rappeler le cas bien connu de l’effet hydrophobe et autonettoyant de la feuille de lotus
Cet effet n’est pas l’apanage des seuls Nelumbo , aussi somptueux soient-ils : la feuille de capucine, par exemple, a les mêmes propriétés. 
Celles-ci ont inspiré la production de matériaux et produits revêtus présentant ces caractéristiques (peintures, tuiles, vitrages …), synonymes d'entretien réduit et de durabilité accrue.   



Pour aller plus loin
  • Une conférence de Janine Benyus, auteur du livre de référence sur le sujet : « Biomimicry : Innovation inspired by Nature ».
  • Une conférence de Michael Pawlyn sur l’utilisation du génie de la nature en architecture.
  • Article intéressant consacré au bio-mimétisme sur Designboom.
  • The Eden Project
  • Les animaux sont des bâtisseurs, quelques réalisations spectaculaires.

mardi 7 juillet 2015

Big Data et bâtiment

Photograhie TBB

En mars dernier, le salon international de l’immobilier, MIPIM, a organisé une série de  conférences et événements sur le thème de l’impact de la transition numérique sur le secteur (are you ready for the digital revolution ?).

Comme tous les domaines d’activité, celui du bâtiment, et plus largement celui de l’espace urbain, amorce une mue, sans doute profonde, permise par la numérisation croissante des échanges entre les acteurs et par la capacité à traiter et exploiter des quantités toujours plus grandes de données.
Face au champ des possibles, gigantesque et passionnant, où tout devient « smart1 », est-il possible d’identifier quelques axes structurants et durables ?

Dans tous les secteurs d’activité, il apparaît que connaître les habitudes, le comportement, le profil de l’usager final devient un enjeu.
De spectaculaires achats de bases de données, de fichiers de clientèle, de fournisseurs d’équipements communicants et connectés font régulièrement la une des médias, tant cette connaissance intime des ac(he)teurs est perçue comme essentielle, porteuse de développement et ceci d’autant plus que la capacité d’exploiter de gigantesques quantités de données se popularise rapidement.

L’arrivée des GAFA2, mais aussi de jeunes start-up, sur des secteurs d’activité ancrés dans la tradition, comme l’est celui du bâtiment, surprend, voire inquiète (confer l’étude Gafanomics de FaberNovel). Un exemple de ces mouvements de grande ampleur est l’achat, en janvier 2014, de la start-up Nest Labs (fondée en 2010 et produisant des objets de la maison connectés) par Google, pour 3,2 G€.  

Ainsi des objets de notre environnement domestique, comme des thermostats ou des détecteurs de fumée, deviennent-ils potentiellement porteurs de nouveaux services, grâce à leur capacité à capter et à transmettre un nombre croissant de données.
En effet, en sus des problématiques classiques de la maîtrise de la demande d’énergie, de la sécurité au sens large ou encore du maintien à domicile, on peut anticiper une grande créativité dans la proposition de nouveaux services qu’une connaissance fine du profil des occupants permettra d’individualiser de façon poussée sans pour autant perdre les effets d’échelle, ni la capacité à produire des statistiques de comportement et de consommation sur des effectifs d’une taille inconnue à ce jour.

L’optimisation de la consommation énergétique du bâtiment et l’intégration communicante de celui-ci dans les réseaux bénéficient de l’exploitation des données massives, captées sur site, analysées et exploitées pour le pilotage des équipements.
Pour autant, c’est probablement à l’échelle du quartier que la maîtrise intelligente du « Big Data » produira ses effets les plus spectaculaires en matière d’implication du bâti dans la transition énergétique. En effet, le décalage des profils de consommation en fonction des usages des bâtiments composant ledit quartier permet de lisser les courbes, de réduire les pics et de valoriser les énergies fatales des uns au profit des autres. De la même façon, la production locale d’électricité d’origine renouvelable et son stockage se conçoivent mieux à l’échelle du quartier qu’à celui du seul bâtiment individuel.

La transition énergétique et la transition numérique (tant pour ce qui relève du BIM que de la connaissance fine des acteurs permise par l’exploitation du Big Data) sont deux axes passionnants qui font avancer, et pour longtemps encore, la construction.     

Dans le rapport qu’elle a remis au Président de la République en 2013, la Commission Innovation 2030 a identifié sept ambitions parmi lesquelles figure « la valorisation de données massives (Big Data) ».

Pour celle-ci, cinq leviers d’action sont proposés dans le rapport, à savoir :
  • Ouvrir les données publiques, rendues anonymes, pour favoriser la création de start-up et créer des écosystèmes en France par la valorisation de certains usages à des fins commerciales
  • Faire changer d’échelle les entreprises françaises en lançant des défis de valorisation de stocks de données massives
  • Créer un droit à l’expérimentation
  • Créer un centre de ressources technologiques
  • Renforcer la capacité à l’export des PME du Big Data


1   On parle ainsi de « smart grids », de « smart buildings », de « smart cities » où smart renvoie à des termes comme « intelligent », rusé, connecté.  

2   Acronyme regroupant les noms de quatre géants de l’Internet : Google – Apple – Facebook – Amazon. 

lundi 15 juin 2015

Stockage de l’électricité


Le recours, volontairement croissant,  à des sources d’énergie renouvelables et, le plus souvent, intermittentes accentue le déphasage temporel entre la production d’électricité et sa consommation.  Cette fragilisation de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité induit une augmentation du besoin de stockage temporaire de cette électricité, ceci à plusieurs échelles de temps.

Il est à noter que contribuer à une bonne intégration des énergies renouvelables intermittentes dans le portefeuille des sources d’énergie n’est pas l’unique fonction du stockage, lequel peut également contribuer au lissage de la charge, à la fonction secours et au maintien de la qualité d’alimentation.
À ces aspects techniques s’ajoute une dimension économique puisque la volatilité du marché de l’électricité crée des opportunités pour ceux qui ont la possibilité de la stocker (industriels, collectivités, particuliers), ceci dès lors qu’existe un environnement réglementaire suffisamment clair pour apporter la confiance nécessaire aux acteurs désireux d’investir.

Les paragraphes qui suivent font un point rapide sur les technologies de stockage, matures ou en développement, et renvoient vers des sites de qualité permettant d’approfondir les sujets.
Nous nous concentrons sur les moyens de stockage permettant de restituer de l’électricité, aussi les techniques dites « power to gas » (production d’hydrogène par électrolyse, production de méthane par méthanation) ne sont-elles pas abordées.

Les techniques de stockage relèvent de plusieurs grandes familles : celui-ci peut être mécanique (STEP : Stations de Transfert d’Énergie par Pompage, volants d’inertie), thermodynamique (Air comprimé : CAES pour Compressed Air Electricity Storage), chimique (H2 obtenu par électrolyse, pour combustion ultérieure dans une pile à combustible), électrochimique (batteries), électrostatique (super condensateurs), magnétique (boucles de courant dans des matériaux supraconducteurs : SMES pour Superconduction magnetic energy storage).

Aujourd’hui, avec une capacité installée à l’échelle mondiale de l’ordre de 140 GW, les STEP représentent l’énorme majorité (≈ 99%) des capacités de stockage. À noter l'offre récente, et appelée à un grand avenir, de micro-STEP urbaines intégrées, portée par la société Nature & People First.

Viennent ensuite les CAES conventionnels (≈ 440 MW) et les batteries Sodium-Soufre (≈ 300 MW). Source : feuille de route de l’Agence Internationale de l’Énergie sur le stockage, 2014.
Ces divers procédés de stockage de l’électricité sont à des stades de maturité technologique variés. De la même façon, leur intensité capitalistique et les risques technologiques associés à leur développement varient-ils d’un cas à l’autre.

On trouve en page 16 de la publication de l’AIE précitée un intéressant graphique qui, le long de ces deux axes, positionnent les procédés de stockage (d’électricité et thermiques). Ce graphique est reproduit ci-dessous :
   
Il est enfin intéressant de comparer les caractéristiques techniques et économiques des procédés de stockage de l’électricité même si, dans bien des cas, les valeurs ne sont qu’indicatives.

Technologie
Positionnement
Durée du stockage*
Capacité
Puissance
Efficacité %
Investissement initial (US $/kW)
Durée de vie
STEP
Production
Long
1 à 100 GWh
100 MW à 1 GW
50 à 85
500 à 4500
>40 ans
Air comprimé
Production
Long
10 MWh – 10 GWh
10 à 300 MW
30 à 70
500 à 1500
>30 ans
Batteries
Production & consommation
Distribué, hors grille, court
< 100 MWh
< 10 MW
75 à 95
300 à 3500
2000 à 10000 cycles
Chimique H2
Production & consommation
Long
10 kWh à 10 GWh
1 kW à 10 MW
20 à 50
Grande variabilité selon les sources
5 à 10 ans
Volant d’inertie
Transport & distribution
Court
5 à 10 kWh
1 à 20 MW
90 à 95
150 à 500
100000 cycles
Super condensateurs
Transport & distribution
Court
1 à 5 kWh
10 kW à 5 MW
90 à 95
150 à 500
500000 cycles
Magnétique (SMES)
Transport & distribution
Court
1 à 10 kWh
10 kW à 5 MW
90 à 95
150 à 500
<30 ans
*Les éléments sont pour l’essentiel issus de la feuille de route de l’AIE, précitée (voir en particulier le tableau 6, page 18).

La question du stockage à l’échelle de la ville, du quartier, voire du bâtiment se pose légitimement.
La raison en est simple : le secteur du bâtiment est le premier poste de consommation énergétique (plus de 40% en France) et, en même temps, il peut être le support de capteurs d’énergies renouvelables. C’est là toute a logique sous-jacente à la future réglementation bâtiment responsable 2020 (RBR2020). C’est ainsi que consommation et production se rejoignent géographiquement et, du fait qu’elles sont temporellement décalées,  impliquent le recours au stockage. Le réaliser localement permet des économies de transport d’électricité substantielle.
L’annonce faite récemment, sur le sujet, par la société Tesla a été abondamment relayée par les médias. Il est fort probable qu’elle sera suivie d’autres, tout aussi innovantes, compte tenu des enjeux.

Pour aller plus loin, quelques sites pédagogiques ou exemples de réalisation :
Stockage gravitaire
Stockage thermodynamique
Stockage chimique H2
Stockage électrostatique
Stockage inertiel
STEP souterraine
Système de transfert d’énergie
par lest maritime
-    isotherme de surface
-    isochore adiabatique souterrain
-    isobare adiabatique de surface

Stockage
-    hydro/oléo-pneumatique
-    par pompage thermique
Électrolyse alcaline

Électrolyse PEM (Polymer electrolyte membrane)

Batteries :
-   Plomb-Acide
-   Nickel-Zinc
-   Métal-Air Zinc
-   Sodium-Souffre
-   Sodium-Nickel Chloride

à circulation
-    Zinc-Bromine
-    Vanadium
Super condensateur
Volant d’inertie Basse Vitesse
Volant d’inertie Haute Vitesse

Par ailleurs, sur le site Internet d’Enea consulting, on trouve une étude de grande qualité sur le stockage d’énergie. De même, sur le site de l’ADEME, une étude sur le potentiel du stockage d’énergies