Ce blog, consacré à la problématique bâtiment - ville et énergie, souhaite apporter sur ce vaste sujet quelques éléments de réflexion utiles.

À cette fin, il incorpore de nombreux liens vers des sites et articles qualifiés.

vendredi 25 septembre 2015

La surélévation de bâtiments à Paris

Selon le proverbe chinois, la façade d’une maison n’appartient pas à son propriétaire mais à celui qui la regarde.
Cette constatation, frappée au coin du bon sens, est une belle invitation à la promenade architecturale.

Lorsque l’on se livre à cet exercice, ô combien sympathique, il peut être plaisant de l’organiser autour d’un thème.  On peut, par exemple, se concentrer sur le traitement des caryatides au cours des âges ou bien sur la statuaire animalière ou florale hébergée par les façades et frontons ou encore, et c’est le sujet évoqué ici, sur les extensions verticales de bâtiments, plus souvent appelées, avec un léger abus de langage, surélévations.

Qu’elle soit motivée par des raisons programmatiques, esthétiques ou économiques, la surélévation de bâtiments est courante à Paris, depuis le dix-huitème siècle, avec néanmoins une moindre occurrence dans la seconde moitié du vingtième siècle.
Le sujet reprend de l’actualité aujourd’hui, compte tenu de la concomitance d’un besoin de logement et d’un déficit de foncier. C’est ainsi que la facilitation des extensions verticales fait partie des objectifs poursuivis par l’ordonnance d’octobre 2013, relative au logement.

L'extension, sur un ou plusieurs niveaux (en fonction du programme et de la capacité portante résiduelle de l'immeuble sous-jacent), est aujourd’hui le plus souvent préfabriquée, composée de modules bi- ou tridimensionnels. En effet, le développement du recours au numérique, à toute les étapes du projet, facilite l’industrialisation d’une construction « sur-mesure », imposée par la nature même de l’exercice. Cette approche efficace permet de réduire la durée du chantier et donc les impacts associés, sur le voisinage et la circulation (cf le projet Lign2Toit, financé partiellement par l’ADEME).

Outre la création de mètres carrés supplémentaires dans des lieux où le foncier disponible est rare, l’extension peut être accompagnée de bénéfices complémentaires :
  • Elle permet de de reprendre l’isolation et l’étanchéité du dernier niveau existant,
  • Sa couverture peut être équipée de panneaux solaires (thermiques ou photovoltaïques), ces derniers pouvant être complétés par un dispositif de stockage de l'électricité produite,
  • Elle peut être l’occasion de repenser la gestion des eaux pluviales, en poursuivant deux objectifs qui ne s’excluent pas :
    • Utiliser cette eau dans un réseau dédié, non potable, afin de réserver l’eau du réseau de ville, de haute qualité, aux usages qui le méritent,
    • Stocker temporairement l'eau de pluie sur une partie du toit de l’extension, qui serait alors végétalisée, afin de contribuer à réduire le ruissellement et l'effet d'îlot de chaleur urbain (par évapotranspiration).
  • Enfin, et cela n’est pas l’intérêt le moindre, l’extension de l'immeuble fournit une bonne occasion d’améliorer la performance énergétique du bâtiment existant par rénovation de son enveloppe, opération qui sera alors financée, en tout ou en partie, par la valorisation des mètres carrés créés par la surélévation.

Ci-dessous quelques photographies (de l’auteur) prises dans le centre-est parisien qui, souhaitons-le, donneront à quelques-un(e)s le désir de bâtir leur propre parcours sur ce thème.

On y voit un spectre large de positionnement architectural : certaines surélévations, discrètes, cherchent à se fondre dans l’existant et à passer inaperçues quand d’autres manifestent un contraste fort avec l’existant et signent de façon visible la construction de la ville sur la ville.


 5, avenue de la République


17, boulevard Saint-Martin


18, boulevard Poissonnière


18, boulevard Poissonnière


 22, avenue de l’Opéra


 25, rue du Faubourg Saint-Martin


 50, rue René Boulanger


 111, boulevard Sébastopol


123, boulevard Sébastopol


 137, boulevard Sébastopol




Pour aller plus loin sur le sujet de la surélévation des bâtiments :

APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) – Rapport sur L’incidence de la loi ALUR sur l’évolution du bâti parisien.

Rapport du Plan bâtiment Durable sur les Financements innovants de l’efficacité énergétique

Rapport de l’ADFA (Association du Développement du Foncier Aérien) sur comment Lever les freins à la conquête du foncier aérien    

Les revues d’architecture traitent régulièrement su sujet. C’est en particulier le cas pour celles des Éditions À Vivre.

La transformation de l’entrepôt Macdonald, sis sur le boulevard du même nom, s’inscrit dans le vaste programme municipal appelé Paris Nord-Est. Cet entrepôt, le plus grand de Paris (617 m de long), construit en 1970 par l'architecte Marcel Forest est, depuis 2012, l'objet d'une reconversion incorporant de nombreuses surélévations. En effet, plutôt que de le détruire, il a été décidé d'en faire le "bâtiment-socle" d'un ambitieux projet de reconquête urbaine avec équipements publics, bureaux, commerces et logements. Ces surélévations sont facilitées du fait qu’elles ont été anticipées, dès la construction de l’entrepôt, par le surdimensionnement des structures porteuses.

Des colloques et conférences « Toit sur toit », de grande qualité, sont périodiquement organisés.

mercredi 16 septembre 2015

Bio-mimétisme et construction

Photographie TBB

Il est loisible de constater que l’innovation dans le domaine de la construction procède souvent d’une forme d’hybridation entre des technologies récentes et un savoir-faire vernaculaire, parfois retrouvé.

Il arrive que cette tradition dans l’acte de construire, empilement de strates bâties par un va-et-vient entre l‘observation et l’expérimentation, s’inspire de ce qui environne l’homme, à savoir la nature.

Le cas du centre commercial Eastgate, construit par l’architecte Michael Pearce à Harare (Zimbabwe) et dont le traitement de l’air s’inspire du fonctionnement thermique et aéraulique des termitières, est bien connu.

Comprendre comment certaines structures et fonctions s’organisent et sont mises en œuvre dans la sphère du vivant et en faire une source d’inspiration pour les activités humaines relève du bio-mimétisme.

En sus des talents d’architectes et de climaticiens des blattoptères évoqués plus haut, le secteur de la construction est un lieu d’expérimentation et de déploiement de cette démarche, laquelle est en général vertueuse, tant en matière de consommation de ressources que d’énergie.

Citons quelques exemples.

Dans le monde animal, l’embranchement des arthropodes est une source féconde d’inspiration pour la conception des bâtiments et des produits qu’ils incorporent.

Leur squelette externe qui permet de séparer la structure porteuse de l’espace intérieur qui est occupé par les fonctions vitales trouve son équivalent dans les systèmes constructifs à ossatures.

Les insectes, déjà mentionnés avec les termites, sont aussi représentés par l’ordre des lépidoptères :
  • Les yeux des papillons de nuit ne reflètent pas la lumière, ce qui leur évite d’être repérés par leurs prédateurs, dont les chauves-souris. Analysant le phénomène, l’université d’Irvine, en Californie, a développé un revêtement antireflet, fort utile, par exemple, pour éviter les éblouissements induits par les panneaux photovoltaïques (dont l’installation va être tirée par l’évolution vers le BEPOS – bâtiment à énergie positive).        
  • La couleur des ailes des papillons n’est que partiellement due à des pigments. S’y ajoutent les irisations induites par la structure des écailles et leur jeu avec la lumière. C’est un champ d’investigation pour les revêtements nanostructurés qui trouveront un marché avec l’enveloppe du bâtiment.


Chez les arachnides, les araignées produisent, à température ambiante et pression atmosphérique, une soie dont la résistance à la traction est de de l’ordre de 1000 Mpa (largement supérieure à celle des aciers ordinaires). Cette soie est recyclable et recyclée, il n’est que de voir une épeire avalant sa toile endommagée afin d’en tisser une nouvelle (article intéressant du CNRS sur le sujet).

Dans le même esprit et pour rester chez les animaux invertébrés, les scientifiques s’intéressent de près à certaines éponges de mer capables de produire du silicium et d’en construire leur squelette composé de fibres vitreuses. Outre l’intérêt suscité dans les industries de la fibre optique et des cellules photovoltaïques, on prête à leur structure, rigide et solide, d’avoir inspiré un certain nombre de tours bien connues des « skylines » mondiales.

Les moules s’accrochent solidement à leur rocher. En comprendre le mécanisme a permis de développer des colles, à froid, résistant à l’eau.

Enfin, passons du règne animal à son voisin, végétal, pour rappeler le cas bien connu de l’effet hydrophobe et autonettoyant de la feuille de lotus
Cet effet n’est pas l’apanage des seuls Nelumbo , aussi somptueux soient-ils : la feuille de capucine, par exemple, a les mêmes propriétés. 
Celles-ci ont inspiré la production de matériaux et produits revêtus présentant ces caractéristiques (peintures, tuiles, vitrages …), synonymes d'entretien réduit et de durabilité accrue.   



Pour aller plus loin
  • Une conférence de Janine Benyus, auteur du livre de référence sur le sujet : « Biomimicry : Innovation inspired by Nature ».
  • Une conférence de Michael Pawlyn sur l’utilisation du génie de la nature en architecture.
  • Article intéressant consacré au bio-mimétisme sur Designboom.
  • The Eden Project
  • Les animaux sont des bâtisseurs, quelques réalisations spectaculaires.