Selon le proverbe chinois, la façade d’une maison
n’appartient pas à son propriétaire mais à celui qui la regarde.
Cette constatation, frappée au coin du bon sens, est une
belle invitation à la promenade architecturale.
Lorsque l’on se livre à cet exercice, ô combien sympathique,
il peut être plaisant de l’organiser autour d’un thème. On peut, par exemple, se concentrer sur le
traitement des caryatides au cours des âges ou bien sur la statuaire animalière ou florale hébergée par les façades et frontons ou encore, et c’est le sujet évoqué ici,
sur les extensions verticales de bâtiments, plus souvent appelées, avec un
léger abus de langage, surélévations.
Qu’elle soit motivée par des raisons programmatiques,
esthétiques ou économiques, la surélévation de bâtiments est courante à Paris,
depuis le dix-huitème siècle, avec néanmoins une moindre occurrence dans la
seconde moitié du vingtième siècle.
Le sujet reprend de l’actualité aujourd’hui, compte tenu de
la concomitance d’un besoin de logement et d’un déficit de foncier. C’est ainsi
que la facilitation des extensions verticales fait partie des objectifs
poursuivis par l’ordonnance d’octobre 2013, relative au logement.
L'extension, sur un ou plusieurs niveaux (en fonction du
programme et de la capacité portante résiduelle de l'immeuble sous-jacent), est
aujourd’hui le plus souvent préfabriquée, composée de modules bi- ou tridimensionnels.
En effet, le développement du recours au numérique, à toute les étapes du projet, facilite l’industrialisation d’une
construction « sur-mesure », imposée par la nature même de l’exercice.
Cette approche efficace permet de réduire la durée du chantier et donc les
impacts associés, sur le voisinage et la circulation (cf le projet Lign2Toit,
financé partiellement par l’ADEME).
Outre la création de mètres carrés supplémentaires dans des
lieux où le foncier disponible est rare, l’extension peut être accompagnée de
bénéfices complémentaires :
- Elle permet de de reprendre l’isolation et l’étanchéité du dernier niveau existant,
- Sa couverture peut être équipée de panneaux solaires (thermiques ou photovoltaïques), ces derniers pouvant être complétés par un dispositif de stockage de l'électricité produite,
- Elle peut être l’occasion de repenser la gestion des eaux pluviales, en poursuivant deux objectifs qui ne s’excluent pas :
- Utiliser cette eau dans un réseau dédié, non potable, afin de réserver l’eau du réseau de ville, de haute qualité, aux usages qui le méritent,
- Stocker temporairement l'eau de pluie sur une partie du toit de l’extension, qui serait alors végétalisée, afin de contribuer à réduire le ruissellement et l'effet d'îlot de chaleur urbain (par évapotranspiration).
- Enfin, et cela n’est pas l’intérêt le moindre, l’extension de l'immeuble fournit une bonne occasion d’améliorer la performance énergétique du bâtiment existant par rénovation de son enveloppe, opération qui sera alors financée, en tout ou en partie, par la valorisation des mètres carrés créés par la surélévation.
Ci-dessous quelques photographies (de l’auteur) prises dans
le centre-est parisien qui, souhaitons-le, donneront à quelques-un(e)s le désir
de bâtir leur propre parcours sur ce thème.
On y voit un spectre large de positionnement
architectural : certaines surélévations, discrètes, cherchent à se fondre
dans l’existant et à passer inaperçues quand d’autres manifestent un contraste fort
avec l’existant et signent de façon visible la construction de la ville sur la
ville.
17,
boulevard Saint-Martin
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18,
boulevard Poissonnière
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Pour
aller plus loin sur le sujet de la surélévation des bâtiments :
APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme)
– Rapport sur L’incidence de la loi ALUR sur l’évolution du bâti parisien.
Rapport du Plan bâtiment
Durable sur les Financements innovants de l’efficacité énergétique
Rapport de l’ADFA
(Association du Développement du Foncier Aérien) sur comment Lever les freins à la conquête du foncier aérien
Les revues d’architecture
traitent régulièrement su sujet. C’est en particulier le cas pour celles des Éditions À Vivre.
La transformation de l’entrepôt Macdonald,
sis sur le boulevard du même nom, s’inscrit dans le vaste programme municipal
appelé Paris Nord-Est. Cet entrepôt,
le plus grand de Paris (617 m de long), construit en 1970 par l'architecte
Marcel Forest est, depuis 2012, l'objet d'une reconversion incorporant de
nombreuses surélévations. En effet, plutôt que de le détruire, il a été décidé
d'en faire le "bâtiment-socle" d'un ambitieux projet de reconquête
urbaine avec équipements publics, bureaux, commerces et logements. Ces
surélévations sont facilitées du fait qu’elles ont été anticipées, dès la
construction de l’entrepôt, par le surdimensionnement des structures porteuses.
Des colloques et
conférences « Toit sur toit », de grande qualité, sont périodiquement
organisés.