Ce blog, consacré à la problématique bâtiment - ville et énergie, souhaite apporter sur ce vaste sujet quelques éléments de réflexion utiles.

À cette fin, il incorpore de nombreux liens vers des sites et articles qualifiés.

lundi 30 novembre 2015

« Disruption » numérique et bâtiment

Photo TBB

À l’instar de la quasi-totalité des secteurs d’activité, celui de la construction, et en particulier son volet bâtiment, sera (est déjà) soumis à des évolutions profondes de son modèle économique, induites par l’essor du numérique.

La dimension matérielle de l’activité (le « brick and mortar » des Anglais) la protège sans doute des « révolutions » auxquelles sont soumis certains services (hôtellerie ou taxis, pour citer des exemples largement documentés). 
Pour autant, les lignes bougent d’ores et déjà, engendrant opportunités, appétit et craintes.

Bien malin qui peut dire aujourd’hui quelles seront les plus significatives parmi ces « disruptions ». 
Cependant, en croisant les déterminants qui structurent ce secteur avec la typologie des innovations proposées aux divers concours et compétitions et en observant les acteurs, dont nombre de nouveaux entrants (éditeurs de logiciels, analystes du big data, spécialistes des services en ligne), qui tournent autour de ce marché (~125 G€ /an en France), à la recherche du bon angle d’attaque, on peut tenter un petit exercice de préfiguration. 

Le numérique recompose la chaîne de valeur et modifie le poids économique relatif des acteurs traditionnels. 
Le schéma de cette recomposition est stable d’un secteur d’activité à l’autre, construction comprise.
Il s’opère en deux temps, en commençant par le développement d’un logiciel, qui peut prendre la forme d’une application pour tablette ou smartphone. 
Celui-ci, porté le plus souvent par un nouvel entrant, s’insère dans la chaîne de valeur et en améliore la fluidité, la fiabilité, la transparence ; il facilite la vie des utilisateurs et clients … tout en produisant des masses de données, profilées et exploitables (le « big data », perçu comme le nouvel or noir, avec sa ruée associée). 
Puis, l’exploitation de celles-ci permet au nouvel acteur de capter une part croissante de la valeur, en modifiant, à son profit, la distribution préexistante de celle-ci.

Connaître et mesurer pour agir

Établir un point de départ (en matière de géométrie, de nature des constituants, de performances …) est un préalable à tout diagnostic, lequel peut être suivi d’une préconisation de travaux puis d’un suivi de la bonne atteinte des améliorations visées par ceux-ci.  

Selon les cas, ces données peuvent être acquises par des scanners 3D, de la photographie, de la thermographie infrarouge, de la décomposition par postes de la consommation énergétique (en général connue uniquement sous forme agrégée).

Elles vont ensuite alimenter les outils de la maquette numérique (cf la Directive européenne 2014/24) ou des logiciels de calcul thermique, d’analyse de cycle de vie mais aussi de calepinage et, derrière, de commande numérique d’outils industriels, voire d’imprimantes 3D de « fab lab ».  

Puissance du détenteur de données

On comprend aisément l’intérêt que l’opérateur de tels dispositifs, en général connectés, peut tirer de la banque de données qu’il se crée ainsi, au fur et à mesure, chez lui ou dans le « cloud ».

Prenons l’exemple d’une société qui, à l’aide capteurs connectés, permet à l’occupant d’un logement/bâtiment de connaître, par grands postes, sa consommation d’électricité.

Ce diagnostic individuel est précieux car il permet d’identifier où et comment faire économies.

Cependant, au-delà de cette première utilisation, on peut imaginer une série de services enrichis qui s’appuient sur l’exploitation de l’ensemble de la base de données (dont ce diagnostic individuel n’est qu’un élément) pour, par exemple :
  • Comparer les performances dudit logement/bâtiment à celles d’une cohorte d’espaces bâtis similaires (typologie, âge, climat, usage …),
  • Lister, pour cette cohorte, ce qu’ont été les mesures de maîtrise de la demande d’électricités suivies ou les travaux d’amélioration réalisés (à l’instar de ce qui se passe dans une librairie en ligne qui signale à l’acheteur d’un livre quels autres achats les acquéreurs du même ouvrage ont effectués),
  • Proposer une liste de prestataires susceptibles de réaliser des travaux d’amélioration de la performance dudit logement/bâtiment, regroupés, après sélection, sur une plate-forme pilotée par la société en question. Une telle plate-forme garantira au client un suivi et une maîtrise des coûts et délais.

Ce n’est là qu’un exemple, qui n’a rien de virtuel et qui permet d’illustrer comment les entreprises, éventuellement des « pure players » du numérique, peuvent se servir des données massives (big data) pour produire de nouveaux services et les vendre, soit auprès de leurs clients naturels, soit à d’autres entreprises de la filière.


La philosophie d’une des vingt-et-une start-up ambassadrices de la French Tech à la COP21, Intent Technologies, est : Transformez vos bâtiments en plateforme de services.

lundi 9 novembre 2015

Quelques innovations, vues sur le salon Batimat 2015


Le concours de l’innovation du salon bisannuel Batimat (dont l’édition 2015 s’est achevée le 6 novembre dernier) est une occasion de voir se dessiner des tendances dans l’évolution du marché de la construction. L’avenir dira si celles-ci se confirment ou, inversement, s’apparentent davantage à un phénomène de mode.  

Les exigences essentielles ou de base (à savoir : Résistance mécanique et stabilité - Sécurité en cas d'incendie - Hygiène, santé et environnement - Sécurité d'utilisation - Protection contre le bruit - Économie d'énergie et isolation thermique - Usage durable des ressources naturelles) sont globalement peu mises en avant par les candidats aux prix, tant il est acquis que la satisfaction de celles-ci constitue un prérequis. Celle qui ressort néanmoins le plus dans les revendications explicites est, sans surprise, liée aux économies d’énergie.

À côté de cela, plusieurs axes structurent de façon récurrente le discours des sociétés innovantes. Parmi ceux-ci, citons :

  • La simplicité et la facilité d’utilisation qui visent à ce que le produit, le système, l’équipement retrouve, une fois mis en œuvre, ses performances intrinsèques. Associée à cet objectif de simplification s’ajoute souvent la quête de réduction de la pénibilité. Qu’il s’agisse de composants d’ouvrage, d’équipements, de logiciels ou d’applications mobiles, le maître-mot, importé, est le « plug and play », voire le « do it yourself ».
  • La dimension esthétique s’affirme à plusieurs niveaux, en neuf comme en transformation de l’existant. Panneaux en béton translucide, fenêtres horizontales pour toitures terrasses, peintures hydrophobes, profilés métalliques au plus fin pour fenêtres et cloisons mais aussi armoires de stockage de l’électricité ou thermostats dessinés par un grand designer.
  • Le sujet des économies d’énergie (et donc des économies tout court) est également central. Il se traduit par des équipements toujours plus performants, des kits ENR + stockage à la mise en œuvre simplifiée ainsi que toute une série d’outils qui, partant du constat qu’on ne peut faire d’économie que si l’on connaît sa consommation avec un niveau suffisant de détail, proposent des mesures affinées, par postes.
  • Enfin, avec un hall qui lui était presque entièrement dédié, la problématique « numérique et bâtiment » a le vent en poupe. BIM, Big Data, objets connectés : la transition est en marche et les acteurs prennent des positions. On voit, par exemple, des thermostats qui intègrent progressivement vos habitudes et prennent la main sur le pilotage des installations, des applications gratuites qui permettent de faire un bilan énergétique du logement puis débouchent sur des préconisations de travaux proposées par le développeur, des scanners 3D ou des caméras thermiques qui alimentent une maquette virtuelle. En creux de tout ceci et après l’irruption d’applications numériques qui ont spectaculairement transformé les secteurs de l’hôtellerie ou du transport automobile de clients (et bien d’autres encore), après des élargissements du spectre d’activité tout aussi spectaculaires (géant du web achetant une société qui fabrique des thermostats connectés, fabricant de voitures électriques qui développe une activité dans le stockage de l’électricité produite par les couvertures photovoltaïques de bâtiments), la question qui se pose est de savoir si certaines composantes du secteur de la construction sont susceptibles d’être ainsi bouleversées par ce qu’il est convenu d’appeler la disruption numérique. Un sujet qui stimule bien des esprits.    

À noter enfin que, bien qu’elle constitue un enjeu conséquent, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur n’est guère mentionnée dans les prix et nominations de l’année. À voir en 2017 ?