Le bâtiment, qui abrite et protège l’homme et ses activités, et la nature, qui l’environne, entretiennent des relations qui s’apparentent à une forme de « je t’aime moi nonplus ».
Historiquement, les premiers
logements humains relèvent d’une exploitation opportuniste de structures
naturelles favorables. Les cavernes et grottes fournissent des abris bienvenus,
dont les entrées peuvent être sécurisées.
Lorsque la nature ne procure
rien qui soit prêt à l’emploi et qu’il s’agit alors de se construire un abri,
c’est encore à celle-ci que les matériaux constitutifs sont prélevés : des
pierres, du bois et autres végétaux, de la terre, des peaux et os d’animaux,
voire de la neige,
très au Nord.
Ces constructions, qui peuvent évoquer
les cabanes supports de rêverie de notre enfance, lorsqu’elles sont
abandonnées, sans entretien, disparaissent plus ou moins rapidement, ravalées
qu’elles sont par celle qui leur a fourni la matière première.
Cette « lutte » entre
les actions d’extraction, de transformation et de construction opérées par
l’homme et une force de rappel vers l’état naturel, agissant par dégradation et
sape silencieuse, s’observe ici et là, à diverses échelles.
La terre crue, armée de paille,
des kasbahs de l’Atlas requiert un entretien vigilant et, faute de celui-ci,
ces magnifiques demeures s’évanouissent. Nombreux sont les temples khmers du
site d’Angkor, millénaires, où les pierres et les puissantes racines des arbres
tropicaux luttent en adoptant de spectaculaires géométries où l’on se demande
qui tient qui.
De façon moins spectaculaire,
plus près de nous, les murs, dès lors qu’ils présentent une anfractuosité
susceptible de retenir un peu d’humus et d’eau, deviennent le support de
mousses, de lichens, de petites fougères et autres plantes qui tentent ainsi de
réinvestir le bâtiment et la ville. Il en est ainsi pour le mince espace ouvert
entre le trottoir et les pieds de façade où parfois même de jeunes arbres se
hasardent à démarrer.
La vigne vierge, le lierre,
voire une glycine ont vite fait de recouvrir une bâtisse abandonnée.
Des artistes se sont emparés du
sujet comme, par exemple, le photographe Chris Morin-Eitner qui, à travers son
exposition « Il était une fois demain », l’illustre de façon spectaculaire.
Aussi, historiquement, afin de
se protéger d’éventuels dommages, les végétaux vivants ont-ils été généralement
été tenus à l’écart des bâtiments.
Dans les villes, ils sont concentrés dans
des parcs, des jardins et le long des voies.
Quelques belles terrasses arborées
qui font rêver lorsqu’on les regarde depuis la rue et les jardinières
accrochées au garde-corps des balcons sont les modes de végétalisation
traditionnels et pointillistes des immeubles citadins.
Ces précautions constructives
des bâtisseurs doivent aujourd’hui s’adapter à une demande croissante des
citadins, toujours plus nombreux (actuellement, un humain sur deux habite en
ville), pour une reconnexion plus forte à la nature et ceci à l’échelle du
bâtiment.
À ce besoin, universel et profond, de conserver un contact avec l’environnement
dans lequel notre espèce a passé l’essentiel de ses cent cinquante mille ans
d’existence (à côté desquels les deux cent ans de révolution industrielle ou les dix mille ans d'agriculture et d'élevage sont quantité faible), s’ajoute le sujet de l’alimentation en ville, de sa qualité et des
flux qu’elle induit.
L’agriculture urbaine, qui se développe partout sur la
planète, évitera-t-elle la thrombose qui menace tant de villes qui ont crû plus
vite que leurs réseaux de transport ?
En France, le rythme annuel de
végétalisation de l’enveloppe des bâtiments est de l’ordre de 1 000 000 m2
en toiture et de 10 000 m2 en mur.
Les apports, variés, de la
végétalisation des bâtiments sont l’objet de travaux scientifiques, théoriques
et expérimentaux.
Ceux-ci ont principalement trait
à :
- L’hydrologie : gestion des eaux pluviales (ruissellement versus infiltration) et microclimat urbain (évapotranspiration),
- La qualité des eaux de pluie (rétention de certains polluants, effet de lagunage),
- La modification des propriétés radiatives et de l'inertie thermique de l'enveloppe du bâtiment,
- Le stockage de carbone,
- La pollution sonore (absorption du son par le substrat et diffusion par le feuillage),
- La biodiversité.
Pour
aller plus loin :
Site
du Mur végétal
Thèse de Frédéric Madre «
Biodiversité et bâtiments végétalisés : une approche multi-taxons en paysage
urbain »
Financé
par l’Agence Nationale de la Recherche, le projet VegDUD
a étudié le rôle du végétal dans le développement urbain durable
L’édition
de mai-juin 2014, n°629,
de la revue de Jardins de France est consacrée à l’enveloppe végétalisée
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